En avril 2011, Christian Dormoy, expert dendrochronologue de la société Archéolabs, avait effectué des prélévements sur cinq des plus anciennes maisons du village. Les résultats sont édifiants
Pour la première fois, un village alsacien non fortifié a pu livrer une série de datations dendrochronologiques de maisons à pans de bois antérieures aux destructions massives de la Guerre de Trente Ans. Six maisons et une grange ont été datées entre 1550 et 1586; elles représentent près de la moitié des feux d’après-guerre.
Si le village de Wolfersdorf est connu pour ses maisons paysannes depuis plus de cent ans, il est aujourd’hui en passe de devenir l’une des plus belles vitrines de l’architecture rurale du XVI e et XVII e siècle dans le Haut-Rhin, rien que ça ! Pour mieux connaître la valeur de ces trésors méconnus du patrimoine bâti, la municipalité avait en effet décidé de financer une campagne de datation dendrochronologique pour cinq des plus anciennes maisons du village ( L’Alsace su 23 avril 2011). Cette technique pointue permet de dater à la saison près l’abattage des arbres ayant servi à fabriquer la charpente d’une maison.
Au printemps dernier, un expert de la société Archéolabs, basée en Isère, avait ainsi inspecté les maisons situées au 43, rue du Canal ainsi qu’aux numéros 45, 63, 64, 69, de la rue Principale. En clair, il s’agissait d’effectuer des prélèvements de bois, des carottes de 5 mm de diamètre qui devaient ensuite être analysées. Quelques mois plus tard, le verdict des analyses est tombé. Et les résultats sont édifiants…
« Les habitants étaient ravis de l’opération qui, à côté de sa dimension scientifique, représente une reconnaissance des efforts voire des sacrifices qu’ils ont consentis pour restaurer et maintenir ces maisons », reconnaît d’emblée Marc Grodwohl, chercheur passionné et grand spécialiste de la question qui a signé l’ouvrage « Habiter le Sundgau de 1500 à 1636 ». Celui qui fût le créateur de l’Écomusée mais aussi l’une des chevilles ouvrières de l’association des « Maisons paysannes d’Alsace » n’a évidemment pas voulu perdre cette occasion de mieux comprendre l’histoire de la maison rurale dans le Sundgau.
« Pour la première fois, un village alsacien non fortifié a pu livrer une série de datations dendrochronologiques de maisons à pans de bois antérieures aux destructions massives de la guerre de Trente Ans », explique Marc Grodwohl en préambule de l’étude. Longtemps, l’une des plus illustres bâtisses de Wolfersdorf, datée du milieu du XVI e siècle, avait servi de référence aux historiens et chercheurs, figurant même dans un Atlas des maisons allemandes. Selon les études, le village présenterait même la plus impressionnante concentration de maisons du XVI e dans le Sundgau. Normal dira-t-on, puisque Wolfersdorf est connu pour avoir servi de base de cantonnement pendant la guerre de Trente Ans et avait donc eu la chance d’être largement épargné, contrairement à certains de ses voisins.
Pour Marc Grodwohl, le résultat des études « dépasse toute espérance ». Et pour cause : « Wolfersdorf ne possède pas quelques bâtiments isolés rescapés de la guerre de Trente Ans, ce sont des ensembles complets de maisons et granges de la seconde moitié du XVI e. Pour la première fois, on peut se faire une représentation de ce qu’étaient un village et ses maisons à cette époque mal connue. » Mieux encore, le nombre de constructions permet d’analyser les différentes manières de construire, les influences et même « la personnalité des habitants suivant l’apparence qu’ils donnèrent à leur maison ». Bref, c’est un vrai chapitre d’histoire qui s’écrit grâce à l’étude de l’habitat.
Des études riches d’enseignements sur la vie au milieu du XVI e siècle qui permettent également de « tordre le cou à l’idée fausse d’une campagne attardée par rapport aux grandes idées architecturales de son temps », ajoute Marc Grodwohl. « Ces maisons ne sont pas anecdotiques, mais figurent une réalité assez générale. On sait que le village, au lendemain de la guerre en 1659, comptait 13 familles. Cela veut dire que le patrimoine construit de Wolfersdorf aujourd’hui reflète 50 % de ce qui existait juste avant ou peu après la guerre de Trente Ans...»
À Wolfersdorf, la municipalité de Christophe Weber avait investi environ 4 000 euros pour cette opération. Et c’est tout naturellement qu‘elle réservait à ses habitants la primeur des résultats, qui ont donc été remis hier à l’occasion d’une petite cérémonie. Chaque foyer concerné s’est vu remettre un livret présentant les résultats complets de l’expertise. « Wolfersdorf, c’est un peu notre patrimoine mondial de l’humanité à nous : là, les colombages nous racontent l’histoire et remettent les visages d’antan aux fenêtres des Stube », estime Marc Grodwohl. À terme, la commune prévoit l’installation de plaques sur chacune des maisons anciennes avec, pourquoi pas, mise en place d’un circuit découverte. Une manière de faire connaître et surtout de mieux protéger ces joyaux du patrimoine bâti qui racontent à leur façon l’histoire d’un village et de ses habitants.
Une inscription sur la façade mentionnait que l’eau a été amenée au moulin le 11 juillet 1753. Elle a été rehaussée et élargie et sa façade a gardé le colombage de l’ancienne maison d’où l’appellation " maisons superposées ".
Des trois moulins de Wolfersdorf, celui situé dans l’actuelle rue du Moulin, appelé autrefois moulin du bas, aujourd’hui la demeure de la famille Bernard Messerlin, est le seul dont le bâtiment existe encore.
C’est une grande maison à colombage construite en 1685 et agrandie en 1753 quand la maison devint moulin. Cette gravure se trouve dans le livre « La maison paysanne du Sundgau » d’Antoine Gardner
et Marc Grodwohl.
Cinq maisons anciennes vont être datées grâce aux récentes expertises dendrochronologies menées par une société de l’Isère. Des études pointues financées par la commune, qui voit là une manière de mieux cerner et surtout mieux protéger ces joyaux du patrimoine bâti.
Rue principale Août 1916